Plaidoyer contre les Mutilations Génitales Féminines
à l’Assemblée Nationale


26 janvier 2004 - Bamako - Mali

Présentation

      Un avant-projet de loi interdisant la pratique de l’excision a été élaboré par le précédent président malien, Alpha Omar Konaré, mais jamais débattu à l’Assemblée nationale. C’est pourquoi l’AMSOPT, l’ Association Malienne pour le Suivi et l’Orientation des Pratiques Traditionnelles, a organisé un plaidoyer le 26 janvier 2004 dans la salle Aoua Keita de l’Assemblée Nationale.


Le coordinateur du Réseau Malien de Lutte
contre les Mutilations Génitales Féminines et les membres de l'AMSOPT

      Le but de cette réunion était d’informer les députés sur les dangers que représentent les Mutilations Génitales Féminines (MGF) afin qu’ils se mobilisent en faveur de l’élaboration d’un projet de loi.

      La séance s’est déroulée en plusieurs étapes : Mme Sidibe, présidente de l’AMSOPT, a surtout mis l’accent sur les conséquences dramatiques des Mutilations Génitales Féminines (dont fait partie l’excision) sur la santé des femmes et des enfants. Ce sujet est extrêmement délicat au Mali, et le thème de la séance portait sur l' opportunité d’une loi contre l’excision et sur les obstacles à l'adoption d'une telle loi.



      Le vice-président de l’Assemblée Nationale s’est également exprimé sur le sujet. Il a lui aussi souligné le caractère très sensible de ce débat. Bien que les effets néfastes soient incontestables, les habitudes culturelles prédominent. Il a néanmoins souligné que l’Assemblée Nationale Malienne souhaitait créer un environnement favorable au développement des femmes.

Tableau de la situation

      Il est à noter que l’excision touche essentiellement l’Afrique sub-saharienne, mais parmi les pays qui la pratiquent, toutes les couches sociales et toutes les communautés religieuses sont concernées.
      86% des femmes sont excisées au Mali. A l'origine, l’excision était perçue comme un rite de passage à l’âge adulte, mais désormais, 46,4% des filles de moins d’un an sont déjà excisées.
      Ce constat désastreux ne s’arrête pas là : une fille excisée sur cinq présente des complications à la suite de cette Mutilation Génitale Féminine. En outre, lorsqu’il est nécessaire de l’opérer, le risque anesthésique est loin d’être négligeable, puisque la plupart des patients sont des enfants. La vie des femmes est également souvent mise en jeu.

Documentaire

      Un film-documentaire sur les complications qui peuvent survenir à la suite d’une excision a ensuite été projeté. L’infibulation notamment a des conséquences particulièrement graves : après avoir été excisé, le sexe de ces femmes est presque totalement suturé. Les problèmes lors de l’accouchement sont multiples : une désinfibulation est obligatoire, mais lorsqu’il est trop tard, une césarienne devient indispensable. Les risques sont donc démultipliés.

Interventions

      Après la projection de ce film, les députés ont eu la possibilité de réagir, et leurs interventions nous ont souvent interloquées.
      Nous vous en livrons quelques-unes :

      Le premier des intervenants a souhaité « avoir une vraie démonstration selon laquelle les MGF sont dangereuses » et demandé une étude comparative sur la proportion de césariennes et d’infibulations réalisées sur femmes excisées et non excisées, et sur leurs conséquences. Car « rien ne prouve que ce sont les MGF qui induisent des complications lors de l’accouchement ».
      Pour le second, la nécessité d’une loi sur le sujet n’était pas démontrée, puisque cette pratique est trop ancrée dans les mentalités.
      Pour un autre, la répression seule ne sert à rien, elle ne met pas fin aux pratiques. Afin d’argumenter son propos, il a pris l’exemple de la loi contre la corruption qui a été votée, et malgré cela, la corruption continue.
      De nombreux participants ont souligné le caractère primordial de la sensibilisation en la matière, sous-estimant nettement le travail des associations qui oeuvrent en ce sens, et les moyens qui sont déployés pour toucher toutes les couches de la population. Un gynécologue qui intervient régulièrement auprès de femmes excisées s’est dit plus favorable à une sensibilisation accrue qu’à une loi répressive. « Les mentalités doivent évoluer avant la législation ».


      La promulgation d’une loi interdisant les MGF est, au vu de ces interventions, très peu probable dans un avenir proche étant donné l’ancrage de ces pratiques dans les traditions et toute la symbolique qui en découle, en matière de fécondité.
      On peut également déplorer l’absence des 14 femmes députées siégeant au Parlement, « la fête de la tabaski approchant »...


Avant-projet de loi
relative à l'abandon de la pratique de l'excision:

quelques extraits
  • DES PRINCIPES GENERAUX

    Article 1 : L'excision est une pratique préjudiciable à la santé de la fille et de la femme. Elle a des conséquences néfastes aux plans gynécologique, obstétrical, urologique, psychologique et social.

          La présente loi vise l'abandon de cette partique. Elle garantit à la fille de 0 à 18 ans le droit de bénéficier d'une protection contre l'excision par différentes mesures préventives [...]

  • DEFINITION

    Article 2 : Au terme de la présente loi, l'excision consiste en l'ablation totale ou partielle du clitoris et des petites lèvres de l'appareil génital féminin [...]

  • DE LA RESPONSABILITE DES PARENTS, DE LA FAMILLE ET DE L'ETAT

    Article 3 : L'action de prévention des parents ou de tout autre membre du groupe familial s'exerce à travers leurs préprogatives et reponsabilités [...]

    Article 4 : Les associations et organisations de la société civile constituent des relais indispensables dans la lutte. Elles entreprendront toutes activités de prévention [...]

    Article 5 : [...] Les maires doivent obligatoirement établir des rapports semestriels sur l'état de l'abandon de l'excision dans leurs communes [...]

    Article 6 : L'Etat impulsera, coordonera et contrôlera les actions à entreprendre [...]

  • DES MESURES SPECIFIQUES DE LUTTE

    Article 7 : La pratique de l'excision au sein des structures de santé publique ou privée est interdite.

          La pratique de l'excision par tout agent socio-sanitaire est interdite aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des stuctures de santé.

    Article 8 : Les structures socio-sanitaires mettront en place un système de prise en charge des conséquences psychosociales, gynéco-obstréticales et urologiques de l'excision [...]

    Article 9 : L'Etat veillera à organiser l'information de proximité à travers les centres de santé, les associations et les ONG [...]

  • DES DISPOSITIONS FINALES

    Article 10 : Tout contrevenant aux principes de l'article 7 sera puni de sanctions administratives appropriées [...]

    Article 11 : Toute personne, autre que les agents visés à l'article 7, qui pratiquera l'excision sera, pour une première fois, avertie solennellement par le Maire de la Commune ou le Sous-Préfet de sa résidence [...]

    Article 12 : La présente loi entrera en vigueur pour compter de sa date de promulgation.s