« Je suis une grande rebelle » Rencontre avec Maître Marie-Elise Gbédo Avril 2004 Cotonou (Bénin)
Nous avions entendu parler delle avant même de la voir. De lavis de ses partisans, cette
« vraie femme daction »
impressionne par la force de ses convictions. Présidente de l
Association des Femmes Juristes du Bénin
(AFJB), ancienne Ministre du Commerce, de lArtisanat et du Tourisme, avocate réputée en droit des affaires et candidate aux élections présidentielles, Marie-Elise Gbédo na pas fini de faire parler delle. Elle nous reçoit dans son cabinet, à Gbégamey, pétulante dans sa robe décolletée rouge, jaune et verte. Dans cette grande maison quelle partage avec son frère, notaire, elle collectionne un ensemble de fétiches exposés dans le hall dentrée,
« sa passion ». Assise derrière son bureau, elle nous apparaît comme une femme daffaires accomplie, qui assume son rôle et ses responsabilités. Pourtant, elle ne se destinait pas vraiment à cette carrière juridique : elle souhaitait être journaliste. Cest son père qui sy est opposé :
« avec la grande gueule que tu as, tu finiras en prison ». Dans un contexte politique de Parti Etat, il lui a conseillé de trouver une autre tribune pour défendre ses idées.
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« Je voulais prouver que les femmes peuvent être chef »
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Marie-Elise Gbédo a quitté Porto Novo en 1975 pour lUniversité de Paris I Panthéon Sorbonne. Dix ans plus tard, elle prêtait serment devant la Première Chambre de la Cour dAppel de Paris. Elle mesure la chance quelle a eu de voyager, de pouvoir faire de bonnes études et davoir toujours été soutenue par sa famille. Ses parents, lun fonctionnaire et lautre sage-femme, étaient des
« intellectuels qui mariaient modernisme et traditionalisme. »
Décédée depuis longtemps, sa mère était
« une femme libre »
puisque Marie-Elise se souvient delle, vêtue dans son jardin dun short rouge et dun tee-shirt, une tenue encore aujourd'hui considérée comme indécente pour une mère de famille africaine.
Latout principal de Marie-Elise Gbédo est son tempérament inflexible. Vice-présidente de lAFJB pendant huit ans, elle savait que tout le monde était persuadé que cétait elle la présidente. Pourquoi ?
« Jai plus de charisme. Cest tout. Ça ne sachète pas, cest Dieu qui me la donné. »
Cest en effet toujours elle qui a su se mettre en avant et a eu le courage de dénoncer les discriminations à légard des femmes. Quand elle se présente aux élections présidentielles de 2001, elle veut avant tout aller jusquau bout de ses idées et
« prouver que les femmes peuvent être chef ». Dans le cadre de ses activités à lAFJB et de ses interventions médiatiques, elle dit constamment aux femmes :
« vous pouvez ! ».
« Alors, il fallait que je montre lexemple », nous explique-t-elle.
Lorsquelle annonça sa candidature au poste de chef de lEtat, cette femme elle-même divorcée fut traitée de tous les noms et accusée de vouloir pousser les femmes au divorce et dêtre une
« casseuse de foyer ». Mais Marie-Elise Gbédo ne se laisse pas démonter pour si peu. Ayant occupé un poste de Ministre entre 1998 et 1999, elle connaît le milieu politique,
« ce panier de crabes », et sait sy intégrer et résister aux pressions, aux bassesses, aux accusations.
« Sur le plan du travail, je veux toujours me battre, me mesurer... »
En politique, il faut aussi se battre sur le terrain
« pour que le peuple comprenne que tu as envie daccéder au pouvoir ». Elle na pas remporté plus d'un pour cent des suffrages mais elle ne considère pas comme un échec ce score par ailleurs peu fiable, dans le cadre délections qu'elle estime frauduleuses. En 2006, elle sera à nouveau candidate et défendra le même programme, fondé sur la justice,
« socle de léconomie et du développement social ».
Marie-Elise Gbédo est candidate aux élections présidentielles de 2006
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Citant et réinterprétant André Breton, elle souligne que
« la femme est lavenir de lhomme et la femme est lavenir de lAfrique ». Cest pourquoi elle croit en lintégration des femmes dans le processus de développement. Selon elle, cest avant tout par léducation massive que lon viendra à bout des freins au développement :
« Sans éducation, vous ne pouvez pas parler, vous ne pouvez pas réfléchir. Cest la connaissance qui ouvre les yeux ». Et une femme éduquée sinvestira nécessairement dans léducation de ses propres enfants. Il faut donc une véritable volonté politique pour développer la scolarisation des enfants, notamment celle des petites filles. Marie-Elise Gbédo se bat et se battra toujours dans ce sens. Elle a peut-être un seul regret, celui de navoir pas eu de filles, mais deux garçons, qui connaissent parfaitement le combat de leur maman et à qui elle ne cesse de répéter quils ont intérêt à rencontrer une femme comme elle. Mais en existe-t-il vraiment deux comme elle ?
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