Mme Gakou nous a reçus le mardi 18
juillet 2006. Bien qu'issue d'une famille nombreuse de la région de Kayes
dont les aînés ne sont pas allés à l'école, Mme Gakou a suivi des études
brillantes. Après avoir réalisé un bac scientifique, elle est entrée à
l'Ecole Nationale d'Ingénieurs du Mali, dans la branche du BTP. Son goût
pour les sciences exactes a déterminé son choix, même si elle a dû faire
face à de nombreuses difficultés. La profession d'ingénieur apparaissait
comme réservée aux hommes. Son choix suscitait donc l'incompréhension.
Mme Gakou fait partie des trois premières femmes
diplômées de cette école (1981). Depuis, l'école s'est de plus en plus
ouverte aux femmes, tout comme le métier d'ingénieur. Au début, toutes les
femmes choisissent la voie du BTP, suivant l'exemple des trois premières,
mais ensuite il y a eu une diversification. Cependant, aujourd'hui encore
les femmes sont minoritaires dans les études et métiers scientifiques. Mme
Gakou souligne que les hommes ont du mal à accepter les femmes en tant que
femmes ingénieurs.
Après avoir obtenu son
diplôme, Mme Gakou a été engagée dans un bureau d'études de l'Etat. Elle a
ensuite occupé différents postes, avant de finalement devenir conseiller
technique chargé des logements sociaux. Dans le cadre d'un projet lancé
par l'actuel président de la république, Amadou Toumani Touré, Mme Gakou
supervise la création de 3 500 logements sociaux dans 10 localités du
Mali. Elle a été très fière de nous montrer les premiers résultats de ce
programme. Il reste 1 087 logements à construire, mais déjà à Bamako par
exemple, dans le quartier d'ATT-bougou, le programme a donné naissance à
ce que Mme Gakou considère comme une nouvelle ville.
Elle nous a alors fait part du plaisir qu'elle
éprouve à travailler dans le bâtiment, c'est-à-dire à participer à une
oeuvre concrète et visible. Construire des logements, des routes, des
canalisations d'approvisionnement en eau, sont autant de taches utiles à
la société, non seulement pour les générations présentes mais aussi pour
les générations futures. Le caractère durable de ces constructions est un
aspect très important aux yeux de Mme Gakou.
Au-delà de son engagement au travail, Mme Gakou
s'investit aussi beaucoup sur le plan associatif : elle est à l'origine de
la création de l'AFIMA, association dont elle est actuellement la
présidente. A la suite de sa participation à la première conférence
mondiale des femmes ingénieurs et scientifiques en 1987 à Abidjan, elle a
décidé de contacter d'autres femmes ingénieurs qu'elle connaissait déjà
afin de mettre en place l'association. Il a fallu cependant attendre les
événements de 1991 pour que l'association soit autorisée.
Si Mme Gakou arrive à mener de front vie
professionelle, vie associative et vie familliale (elle a 4 enfants), elle
reconnaît que c'est un "parcours du combattant". La discrimination à
l'égard des femmes est très présente dans le monde du travail, et
celles-ci sont souvent défavorisées parce qu'on considère qu'elles sont
moins disponibles. Pour Mme Gakou, cette situation est particulièrement
injuste : "On ne doit pas me punir car j'ai donné la vie. On parle
toujours de la non-disponibilité de la femme, mais ce sont des préjugés.
Les femmes sont là pour la reproduction ; ça ne doit pas être un handicap,
car elles contribuent à la démographie". L'association aide donc les
femmes ingénieurs en les aidant notamment à mieux concilier vie
professionelle et vie privée. Il faut trouver un équilibre entre les deux.
Vous l'aurez compris, Mme Gakou est une femme
extrêmement dynamique et occupée, souvent en déplacements, qui s'engage
dans différents domaines. Elle a eu l'occasion de beaucoup voyager, ce qui
lui a donné du recul pour analyser la situation malienne. C'est peut-être
ce qui rend ses analyses si intéressantes.
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